Témoignage aux obsèques de Papa

November 16, 2021, 10:45 am A_Dieu_Papa blog-header-image

Papa, nous rêvions de te voir passer le compteur à 3 chiffres mais nous voyions bien ces derniers temps que tu étais un peu fatigué.

Mais 96 ans c’est déjà une belle tranche de vie ! Aujourd’hui tu te reposes et tu as bien raison, tu as tant donné, tu nous a tant donné à nous tes enfants, à tes petits-enfants aussi, à Maman bien sûr – l’un des premiers cadeaux que tu as pu lui offrir fut une blouse acquise avec la première paye de lait je crois (sourire) – et puis à tous les gens que tu as croisés. Oui tu as su donner toute ta vie et nous enseigner par l’exemple les valeurs du vivre ensemble, en communauté, dans le partage. Gilles l’a montré dans sa belle présentation de toi Papa, je n’y reviens plus, toute l’assemblée ici sait combien tu étais sans cesse présent pour tous.

Par ce beau métier que tu as exercé dans le cadre d’un si joli coin de campagne, nous avons eu l’enfance rêvée : la nature, les grands espaces, l’air pur, la liberté, ça ne nous gênait pas de marcher dans la boue (comme chantait Michel dont la famille était du Loir-et-Cher) mais je dois avouer que personnellement j’aimais un tantinet moins la bouse et que, si j’ai beaucoup aidé aux travaux de la ferme, nettoyer derrière les vaches n’était pas ma tasse de thé…

J’ai tant de souvenirs, de beaux souvenirs avec toi Papa, je pourrais écrire un livre si j’en avais le talent ; peut-être un jour je coucherai quelques brèves, l’idée trotte dans ma tête depuis quelques temps, histoire de laisser cette mémoire à mes petits-enfants... :

Par exemple ce vieux D30 (Alain a lui connu le Vierzon) a compté pour moi, je l’aimais ce tracteur à taille humaine, je l’ai même amené un jour jusqu’à Vaux-sous-Aubigny en vue de lui refaire un lifting mécanique ; eh oui, rouler en tracteur à 16 ans sur la nationale ça se faisait à l’époque. Et je me souviens des remorques de foin qu’il tractait allègrement, l’équipage cahotant dans les chemins, moi et l’oncle Dédé trônant tout en haut, fermement agrippés à la perche, la bise nous fouettait le visage lorsque nous atteignions enfin la route, et que Papa tu filais tel un Fangio à 30 à l’heure dans la nuit tombante, torse nu, la chemisette ouverte flottant au vent. L’échappement crachait quelques étincelles, le décalaminage des 30 chevaux s’opérait...

Il y avait aussi le temps de la moisson avec une sacrée évolution mécanique ! Au tout début la moissonneuse lieuse et la machine à battre (celle que j’ai entièrement désossée et qui a fini en étagère dans la chambre à four et en caisses de vis inutiles). Il y a eu la trottinette de Louis, une barre de coupe d’au moins 1m 50 (j’exagère), la taille au dessus d’Albert ou de Bolni (je parle de leur machine) et enfin Super-Daniel qui venait d’Isomes tout fier avec son mastodonte. On a connu la récolte en sacs de jute que je t’aidais à balancer sur tes larges épaules et que tu grimpais au grenier, la force tranquille ! Puis ce fut le vrac, là il fallait que ça dépote, Bibi les mains agiles avait élaboré dans son atelier des rehausses aux remorques et tu t’es modernisé avec la vis à grain, mais quelle poussière dans le grenier mes amis, à pelleter la haut toute la sainte journée, tu en étais malade le soir, et tu as tenu et tu as tenu bon, quelle santé !

Et puis il y avait les expéditions en famille en deudeuche, chez l’oncle Robert de l’Aube, dans la maison du père Médard. Fallait pas qu’il pleuve trop sinon le moteur se mettait à cafouiller. Je me rappelle tes grommellements, voire plus, quand le pépé du véhicule qui te précédait te gênait pour prendre ton élan dans les descentes avant la côte trop raide pour le bicylindre à plat (dans tous les sens du terme). Un jour que nous partions faire la noce dans l’Aube je crois, une moissonneuse ne nous ayant pas vu nous a fait lambiner un moment sur la départementale risquant de nous mettre en retard, tu bouillais Papa. Faux calme moi-même je sais de quel bois je suis fabriqué ! Et je ne parlerai pas des nombreux arrêts dus au mal de mer… de ma mère… les accotements s’en souviennent, hein Maman !

Je ne voudrais surtout pas oublier tata Jeannine, tata la douce mais aussi tata la révoltée contre tout. Je crois qu’on en a tous un peu de graine dans les gènes, n’est-ce pas Alain, n’est-ce pas Danièle ? Je me souviens que tata nous faisait de si bons gâteaux dans le four à bois, et des mousses au chocolat, Moooon les mousses, une « tuerie » comme dirait mon gendre !


J’aurais encore mille et une histoires à raconter de cette merveilleuse enfance auprès de toi Papa et des tiens : Mémère Marie, Pépère Raymond, tes chers parents que tu visitais chaque jour, en profitant pour lire les nouvelles fraîches du jour, avant de remonter le journal de la veille à la maison. Tu as été un pilier pour tes parents et pour tes frère et sœur restés célibataires. Un à un ils t’on quittés, tu en as beaucoup souffert toi le fils aîné, et voici que tu t’en vas les rejoindre ; ta famille qui a tant compté va se retrouver au complet veillant sur nous, tu leur fera de bien grosses bises de notre part à tous.

Oh, nos sentiments n’étaient jamais très démonstratifs dans la famille Girardot mais ils n’en sont pas moins sincères. Papa, avant que tu t’en ailles là haut les rejoindre au milieu des étoiles, je veux te dire simplement ce que j’ai toujours eu du mal à exprimer… Je t’aime, je t’aime, et tu resteras à jamais dans mon cœur ! Merci mon Papa, merci et au revoir !

Pascal

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